lundi 19 décembre 2011

À louer... Beginners et Crazy Stupid Love

Beginners

Malgré quelques longueurs, j'ai beaucoup aimé ce film, très original et touchant au possible. En effet, cette histoire (vraie, c'est celle du scénariste et réalisateur) d'un fils d'une trentaine d'années un peu à côté de la plaque à qui le père avoue à 75 ans, après la mort de sa femme, qu'il est homosexuel, est très intéressante.

En fait, l'aveu du père, interprété par un Christopher Plummer vraiment extraordinaire, et sa façon complètement déjantée de vivre sa nouvelle vie d'homme sorti du placard, réveillera en quelque sorte le fils (Ewan McGregor), jeune homme renfermé et secret qui n'a jamais pu faire durer une relation amoureuse.

En fait, moi qui vient de finir de lire La Délicatesse de David Foenkinos (et qui ai adoré ça), je dirais que Beginners est un film délicat. Un film où tout est suggéré, où les sentiments des hommes sont traités avec justesse, sans trop ni peu de détails, et où l'on se reconnaît indéniablement.

Le père et le fils étant donc débutants dans le domaine de l'amour véritable, ils apprendront tous deux à faire face à l'espèce de perte de contrôle que provoque la passion amoureuse. En effet, le fils rencontrera une jolie et excentrique actrice française (Mélanie Laurent) au contact de laquelle il commencera son apprentissage. Je dirais d'ailleurs que les scènes entre les deux nouveaux amoureux finissent par être moins intéressantes que celles impliquant Hal, le père, probablement parce que parfois un peu déjà vues...

Le père, lui, vivra les cinq dernières années de sa vie dans une espèce de cocon de bonheur, tentant de vivre toutes les expériences qu'il s'est refusées toute sa vie. De beaux et touchants moments de cinéma.

Beginners, c'est aussi un film que l'on sent sincère, sachant qu'il s'agit en quelque sorte d'un hommage qu'un fils rend à son père. Un fils qui se doit de faire le deuil de ce père qui a vécu une vie malheureuse pour ne pas offenser les bien-pensants.

Plusieurs éléments de mise en scène, parfois un peu plaqués mais inventifs, s'avèrent au final remplis de sens, voire poétiques. J'ai beaucoup pleuré devant ces éléments et ces personnages représentatifs d'une profonde humanité, à la fois remplis de force et de vulnérabilité.



Crazy stupid love

Petite comédie un peu moralisatrice et très axée sur les fameuses valeurs américaines plaçant la famille au coeur des priorités de vie, ce film est tout de même étonnant.
Réalisé par le duo formé de John Requa et Glenn Ficarra, qui nous avaient donné le très bon I Love You Philipp Morris, Crazy Stupid Love s'avère au final être un film touchant et drôle.

Évidemment, la distribution d'exception y est pour quelque chose. Steve Carell, dans son habituel rôle de perdant un peu à côté de la plaque mais très attachant, se débrouille très bien et n'en fait jamais trop. Ryan Gosling, qui endosse ici le rôle d'un séducteur qui donnera des conseils dans ce domaine au personnage de Steve Carell, est également parfait. Sans compter la présence étincelante de Marisa Tomei en institutrice ex-alcoolique et de Julianne Moore, en ex-femme en crise de milieu de vie.

Un tableau typique, mais des dialogues et des situations qui le sont moins et qui se dirigent souvent dans la direction où on ne les attend pas... pour finir par nous surprendre avec un punch final que l'on n'avait vraiment pas vu venir!

En fait, les personnages ne sont pas unidimensionnels, et c'est ce qui fait selon moi le charme de ce film, qui s'avère au final une plutôt belle surprise.


En passant, j'ai réécouté Fargo des frères Coen et franchement, ça n'a pas vieilli. À voir ou revoir absolument!

jeudi 15 décembre 2011

The Devil's Double

Ouf!! Ce film m'a marquée, et ça m'en prend tout de même pas mal. J'y pense depuis une semaine. Voici enfin un film de qualité, porté par un acteur exceptionnel et un scénario (basé sur une histoire vraie) totalement hors du commun. Toutefois, les critiques sont mitigées. On aime ou on n'aime pas. J'aime.

Oui, cette histoire, qui raconte une partie de la vie d'Uday Hussein, fou furieux et fils de Saddam durant son règne sanguinaire, est racontée avec beaucoup de clinquant et une violence parfois difficile à supporter. Par contre, il faut comprendre que le point de vue est celui de Latif Yahia. Latif est en fait un ancien compagnon de classe d'Uday, qui, malheureusement pour lui, ressemble de façon confondante au fils du dictateur. Il devra donc, sous la menace et pendant une longue période, être le double d'Uday, allant au front à sa place et faisant pour lui sa bien basse besogne. Latif goûte donc au luxe et à la volupté, mais il est aussi témoin de meurtres et de viols perpétrés par un homme qui n'est pas sain d'esprit.

Réalisé par Lee Tamahori, ce Néo-zélandais qui nous avait donné le magnifique et cru Nous étions guerriers, le film est très perturbant. On a en effet l'impression d'être témoins, au même titre que Latif, de la folie humaine et des dérives sadiques et sanguinaires dont les fils de tirans sont parfois capables.

Impossible ici de passer sous silence le travail extraordinaire de Dominic Cooper, qui joue à la fois Uday et Latif, qui sont souvent dans le même plan. Avec une grande subtilité, Cooper parvient à les rendre complètement différents, que ce soit à travers un éclat de folie dans un oeil pour un, ou une légère retenue par rapport à la gestuelle pour l'autre.

J'y ai rêvé - le fou de balançait dans une poubelle la tête en bas et me tirait une balle dans chaque talon - et j'y rêve encore. J'ai fait de nombreuses recherches, pour m'apercevoir que la plupart des événements présents dans le film étaient véridiques. Il semble même que la violence des événements a été diminuée, sinon le public n'y aurait pas cru... Ça donne froid dans le dos.

Il est vrai que le scénario du film souffre parfois de certaines répétitions en ce qui a trait aux agissements d'Uday, et on pourrait y voir une vision américanisée de l'Irak, donc une vision quelque peu unidimensionelle. Mais cela n'empêche pas le film d'être divertissant, perturbant et de rester en tête longtemps. C'est déjà beaucoup!

Ne vous fiez pas à la pochette, qui j'avoue ne donne pas le goût de louer le film.
Et comme toujours, si vous détestez, je suis ouverte aux débats!

vendredi 2 décembre 2011

La Piel que Habito (2011) - Pedro Almodovar la bande annonce VO

La piel que habito - Un très bon Almodovar

Encore une fois, Almodovar réussit à surprendre. Par contre, point de mélo ici, plutôt une pure et totale originalité. Aussi, on peut y voir un véritable hommage au cinéma, de la part d'un homme qui s'y connaît.

En fait, il s'agit de l'histoire très sombre d'un médecin qui tente de se venger en effectuant des manipulations génétiques sur un cobaye en lui redonnant les traits de sa femme perdue. Il habite dans une immense maison avec sa 'servante' et ce cobaye qu'il épie en tout temps grâce à un ingénieux système de caméras. On peut difficilement en dire plus sans vendre des punchs importants et jouissifs...

Ce film pourrait être analysé de mille façons. D'abord, il m'apparaît clair que le cinéaste rend ici hommage au film Les yeux sans visage, de George Franju, considéré comme l'un des premiers films d'épouvante. À cause de la distanciation créée par les caméras de surveillance (c'est-à-dire que le cinéaste nous indique constamment que nous sommes au cinéma), on pense à Peeping Tom, de Michael Powell, un classique du genre, et à Body Double de Brian de Palma (en fait, toute l'oeuvre de ce cinéaste fait état de l'aspect factice du cinéma, nous renvoyant à tout coup à notre propre réalité de spectateur).

Hommage au cinéma, donc. Plusieurs clins d'oeil et citations, mais aussi hommage au médium comme tel, à la caméra et aux spectateurs, ces éternels voyeurs qui épient les personnages par le trou de la serrure en voulant toujours plus de détails croustillants.

La Piel que habito est un film clinique et assez froid, sauf que tous les personnages atteignent un niveau de folie tel que cela dépasse l'entendement et le réalisme, Antonio Banderas en tête, lui qui trouve enfin ici un rôle à sa mesure. Aucun personnage n'est sain d'esprit, et cet état de fait donne lieu à des ruptures de ton totalement décapantes tout au long du film. Tout est donc permis, et ainsi, toutes les folies deviennent bizarrement crédibles.


Le film, adapté du livre Mygale, de Thierry Jonquet, est à l'image de son personnage principal: fou, froid, radical, fascinant et choquant à la fois tout en ayant, de façon indescriptible, quelque chose d'attachant.


En fait, Almodovar parvient ici à se réinventer tout en revenant à ses premières amours. Selon le moment du film, on vogue à travers nos souvenirs de ses propres films et l'inventivité dont Almodovar fait preuve dans ce fillm particulier, tant du point de vue de l'esthétique que de celui du scénario. On pense, pour l'aspect original et farfelu, à ses premiers films, comme La loi du désir ou Talons aiguilles. Mais aussi, on se dit que l'on est devant l'oeuvre d'un grand maître, qui est en total contrôle de son médium.

La piel que habito est un mélange de drame d'horreur, de film romantique et de thriller psychologique. Sa grande qualité est selon moi de nous forcer, à travers tous ces genres cinématographiques, à nous questionner en tant que spectateur. Sommes-nous ici les cobayes, devons-nous nous mettre à la place de Vera Cruz (d'ailleurs le titre d'un vieux western américain)? Sommes-nous plutôt le bourreau, le savant fou qui va toujours plus loin dans l'expérimentation et dont les agissements sont de moins en moins éthiques? Je pencherais plus de ce côté... Je crois qu'Almodovar tente de nous faire prendre conscience du fait que les limites peuvent être dépassées, mais qu'on le fait à nos risques et périls, qu'il soit question d'enjeux de société ou du médium cinéma.

Quoi qu'il en soit, on se rappellera longtemps des deux derniers mots du film...