dimanche 16 octobre 2011

Coteau Rouge

Coteau Rouge, d'André Forcier

André Forcier est un cinéaste extraordinaire qui se situe dans une classe à part. Ses films sont le reflet toujours totalement décalé de nos travers et de nos contradictions. Depuis toujours, il campe ses films dans des quartiers (Coteau Rouge), des familles (L'eau chaude, l'eau frette), des milieux (La comptesse de Bâton-Rouge) qui vivent selon leurs propres règles. Cinéaste profondément surréaliste, dans le sens noble du terme, il est selon moi clair qu'André Forcier a construit, au fil de ses films, un monde à la fois mythologique et réaliste qui est un reflet inattendu mais juste de la société québécoise.

Ici, il campe donc son récit à Coteau Rouge, un quartier populaire de banlieue qu'un promoteur immobilier voudrait bien pouvoir transformer en condos de luxe. Prémisse somme toute déjà vue, elle n'est que le prétexte à l'élaboration d'un scénario tournant autour d'une galerie de personnages haute en couleurs, déjantée et farfelue, tout en se situant toujours à la limite du réalisme.

Par exemple, ce promoteur et sa femme (Roy Dupuis et Céline Bonnier) font porter leur bébé par la mère de celle-ci, âgée d'au moins 60 ans, pour ne pas abîmer son beau corps. Sauf qu'ils se mettent à croire à leur propre subterfuge, et semblent vraiment ressentir les symptômes associés à la condition. Étrange et légèrement dérangeant... Céline Bonnier, comme toujours chez Forcier, est hilarante, toujours juste. On y rencontre aussi un ancien boxeur qui a perdu un biceps (Mario Saint-Amand), une famille qui est reconnue pour faire disparaître les corps des malvenus de belle façon, et plusieurs citoyens qui se battent pour conserver leur quartier intact, et pour pouvoir continuer à y étendre leur lessive...

Évidemment, le film, bien que souvent poétique et parfois perturbant, est avant tout une critique sociale anti-individualiste. La famille et les liens serrés qui l'unit sont ici au coeur de l'intrigue. On sent la force de la collectivité, le pouvoir d'être ensemble.

Autre point fort: les dialogues, qui sont vraiment originaux. Ils savent être réalistes lors de situations rocambolesques, et farfelus lorsque l'action ne s'y prête absolument pas. Tout un tour de force.

Cela fait de Coteau Rouge un film imprévisible et captivant.

Bien sûr, il faut accepter la proposition de départ, et se laisser aller en oubliant nos repères...

'Drive' Trailer HD

lundi 10 octobre 2011

Drive, mon film de l'année... à date

Prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, Drive, du Danois Nicolas Winding Refn, est selon moi un film extraordinaire, sur tous les plans. S'adonnant au maniérisme, c'est-à-dire basant son film sur de nombreuses références et interprétations de succès cinématographiques, de genres mythiques, d'acteurs marquants - penser, entre autres à Jimmy Dean, à qui Ryan Gossling, au sommet de son art, fait penser de façon troublante -, le cinéaste parvient à composer une ode au cinéma tout en réalisant une grande oeuvre d'art.

Voir ce film au cinéma est selon moi essentiel, car il s'agit d'embarquer dans la voiture et de se laisser transporter dans le monde du cinéma, dans une ambiance dont on ne sort pas indemne...

Le scénario, selon moi volontairement déjà vu, nous transporte à Los Angeles, évidemment, où un cascadeur automobile (Gosling - perturbant et sexy à souhait), arrondie ses fins de mois en faisant le chauffeur lors de petits vol. On parle ici d'un as du volant... Malgré lui, il se fait embarquer dans une histoire qui le dépasse lorsqu'il s'attache à sa voisine (Carey Mulligan) et son fils. Une histoire que l'on a déjà entendue, mais dont le cinéaste réussit à déplacer le sens à travers des pirouettes visuelles et une utilisation parfaite des références au 7ième art.

L'important, ici, c'est l'image. L'image, les mouvements des acteurs, les ralentis, le montage, la musique extraordinaire, les regards, les décors, le papier peint sur les murs, les costumes, les sourires: tous les détails sont travaillés, étudiés, et renvoient incontestablement à autre chose, sont toujours totalement détournés de leur signification première. C'est parfois un peu déroutant et cela demande du travail de la part du spectateur, une sorte d'adaptation est parfois nécessaire, car le cinéaste semble aimer dérouter...

Par exemple, le film, qui était jusque-là somme toute plutôt tranquille, devient après une heure tout à coup hyperviolent, voire presque gore. On pense alors immanquablement à Tarantino, à qui plusieurs références parsèment le film. Mais il y a aussi un aspect onirique, une musique, une ambiance sonore et une façon très ambigüe de cerner les personnages - nous nous demandons sans cesse s'ils sont bons ou méchants - qui rappellent David Lynch, un aspect guerrier solitaire qui nous ramène aux westerns, des décors qui nous rappellent les films de gangster des années 70 et dont les ballades en voiture, en solitaire et au ralenti, font écho au plus connu des taxi driver.

Bref, Refn, qui nous avait aussi donné le film Bronson, génial à sa façon, est sans contredit un amoureux fini du cinéma. Il a ici réussi à faire un film génial, touchant et dérangeant, dont le trailer me donne encore des frissons. Un vibrant hommage au cinéma, et un acteur dont la dégaine rappelle celle des plus grands. Vraiment, le meilleur film que j'ai vu cette année.

dimanche 2 octobre 2011